⚓️ Marins d’un soir : récit d’une soirée jeux de société pleine d’écume et de rires

⚓️ Marins d’un soir : récit d’une soirée jeux de société pleine d’écume et de rires

Le 12 novembre dernier, c’était comme un souffle d’embruns dans nos vies trop carrées. Une soirée où, l’espace de quelques heures, la terre ferme avait pris des airs d’océan. Moi, vieux loup de mer fatigué par les tempêtes de la vie, j’ai embarqué à bord de cette étrange galère pour tenir la barre. Quinze marins, et quelques passagers clandestins peut-être, s’étaient rassemblés sous les voiles usées de cette salle de l'ancienne poste transformée pour l’occasion en navire.

Les premiers arrivants portaient déjà fièrement leurs tenues d’équipage. Des marinières rayées qui semblaient avoir vu des décennies de sel, des chapeaux de pirate cabossés, et des casquettes de capitaine. Mais celle qui m’a tiré un sourire, c’était la fille à la jambe de bois. Enfin, pas une vraie, mais ses béquilles couplées à son air goguenard donnait le change. Une vraie boucanée, celle-là.

La pièce sentait bon l’océan. Enfin, façon de parler. Entre la maquette du brigantin de mon grand-père Charles – un trésor, celle-là – et les babioles marines, on aurait cru que Neptune lui-même avait oublié un coffre ici. Des lunettes de plongée posées là sans explication, des dauphins en plastique qui semblaient danser sur une houle invisible. Et, en fond sonore, des chants de marin. Une musique rauque, pleine de vie, qui résonnait comme les souvenirs d’un port animé au crépuscule. 

La cambuse, elle, était bien garnie. Des moules encore dans leur jus, des acras croustillants, et des pastel de nata cuisinée d’une main de maître qui fondait sous la dent. Mais c’est ce diabolique distributeur à cookies en forme de dauphin qui a fait son effet. Chaque fois qu’on l’ouvrait, ce cri aigu fendait l’air. Un vrai cauchemar acoustique, mais personne ne pouvait s’empêcher d’y retourner, juste pour rire ou râler. Les dauphins, ces bougres, savent comment nous manipuler.

Puis, sans qu’on s’en rende compte, la soirée a pris le large avec une partie de Two Rooms and a Boom. C’est un jeu où la confiance est un mirage. Deux camps, deux pièces, et cette tension presque palpable à mesure que chacun tentait de deviner qui portait quoi dans ses manches. Les otages passaient d’une pièce à l’autre sous des éclats de voix et des sourires en coin. La méfiance, là-dedans, c’est comme une houle sourde. On croit s’en sortir, et puis ça monte, ça monte, jusqu’à ce que la bombe – ou le président – fasse chavirer tout le monde. À la fin, c’était moins une victoire qu’un éclat de rire collectif. Personne ne sort indemne de ces eaux-là.

Quand le jeu s’est terminé, on a formé de petits équipages autour des tables, chacun choisissant son cap. Moi, j’ai pris place à une partie de Lying Pirates. Du poker menteur avec des dés et des cartes d’action. Un jeu où la ruse est reine et où chaque sourire cache une trahison. Les dés roulaient, les tuiles s’empilaient, et les accusations fusaient comme des boulets de canon. "Espèce de gredin, t’as bluffé !" La table vibrait comme le pont d’un navire pris dans une tempête. On riait, on pestait, et quelque part, on savourait le goût amer et doux du mensonge.

Non loin, une autre tablée cartographiait les Lost Seas. De leurs mains précises, ils plaçaient des tuiles, traçant des routes et explorant des mondes imaginaires. Ça avait l’air sérieux, presque grave, mais parfois un éclat de joie jaillissait lorsqu’un joueur trouvait enfin le morceau manquant de son puzzle marin.

À côté, c’était une tout autre ambiance avec ceux qui jouaient à Sync or Swim. Ils gesticulaient, suivaient les ordres d’un capitaine et tentaient de réaliser des mouvements synchronisés. Je dois avouer que, même de loin, leurs efforts maladroits m’ont arraché un sourire. Voir ces matelots improvisés lutter contre l’absurde était un spectacle à part entière.

Quant à la table des rebelles, ceux-là avaient osé ignorer le thème de la soirée en sortant Dice Forge. Oh, ils étaient bien concentrés à customiser leurs dés comme si c’était une œuvre d’art. Leur sérieux contrastait avec l’agitation autour, mais on aurait dit qu’ils forgeaient non pas des dés, mais des étoiles à lancer dans le ciel.

La soirée a filé comme un courant rapide. On aurait cru avoir à peine hissé les voiles qu’il fallait déjà jeter l’ancre. Les chants de marin continuaient en sourdine, et les derniers cookies dauphins disparaissaient dans des éclats de rire fatigués. On a rangé les tables, éteint les lumières, et chacun a repris sa route, l’air de rien, mais avec une étincelle dans le regard. Une nuit comme ça, ça laisse des traces. Des souvenirs qu’on range dans le coffre, bien au chaud, pour les nuits plus froides.

Si le vent t’amène à notre prochaine traversée, viens donc. La mer est grande, mais nos rires résonnent loin.